lundi 5 décembre 2016

Paris, mes amours


Te souvient-il de cet après-midi-là? J’étais au café, assise au fond de l’alcôve, à une petite table en marbre ronde, j’écrivais. Ta voix m’a tirée de ma rêverie.
« Un autre café mademoiselle? »
J’ai levé les yeux sur toi. Tu étais si beau, si jeune et si arrogant déjà. Ton air débonnaire, ta démarche assurée.
« Ça ira pour l’instant, merci.
Vous êtes certaine que je ne peux rien pour vous? »
Ce « vous » m’a pris au dépourvu, cette vieille élégance m’a sauté à la gorge. avec tes années de moins, tu t’es propulsé en mon maître. Par ce « vous » j’ai été tienne. Bien plus que ne l’as jamais soupçonné. T’en souvient-il? Nous avons parlé de rien, c’était déjà tout. Tu m’as parlé un peu d’elle, cette autre que j’ai de suite oubliée. Nous nous sommes donné rendez-vous le soir même. Notre première nuit blanche. Nous en aurons deux. Élégant, sobre, tu travaillais tant à me séduire; tu le dissimulais si bien. Oh comme ta main a vite trouvé le chemin de la mienne. Si naturellement, je ne me suis même pas défendue. On a écumé les bars. Tu y as flambé ta paie de la semaine. Tu t’en foutais. On a mangé à Montmartre. Y’avait des anglaises à côté. Tu les as pas vues. Cette nuit-là, y’en a eu que pour moi. 
On a été sages. On a été chastes. Tes lèvres ont frôlé les miennes. Galamment. Bonsoir. 
Je suis retournée à ton café. D’autres sont venus me faire leur cour. Tu as été jaloux. On a commencé à faire parler de nous. Je m’en foutais. On ne m’avait jamais courtisée à la française. Toujours en errance, je n’ai eu que des étrangers. J’ai redécouvert ma patrie en toi, les hommes que je lisais sont devenus tangibles, c’était leur main dans la mienne. Puis, le soir est venu. On a bu, on a dansé, tu m’as emmenée sur les quais, il était quatre heures du matin, t’en souvient-il? Les quais de la Seine illuminés en novembre, nos mains soudées. Comment ai-je fait pour te faire confiance? J’étais une enfant, je t’aurais suivi au bout du monde. Tu t’es contenté de ton appartement. Y’avait encore des cartons dans les coins. Tu venais d’emménager. Je me souviens encore des clameurs dans la ruelle, un deal se scellait. Ton canapé est devenu un lit. Je ne pensais pas à partir. J’étais perdue et retrouvée dans la nuit de Paris. Tu étais nu. Tu fumais comme un autre l’aurait fait en habit. Tu étais nu et tu fumais au lit. Je n’avais jamais rien vu de tel. Comment as-tu pu ignorer ton empire? Ton emprise. Tu aurais fait de moi tout ce qu’il te plaisais. Tu as exploré mon corps. Tu l’as parcouru de tes doigts agiles, de ta langue experte. Nous avons joui sans faire l’amour. Tu n’as pas osé. Tu as respecté quelque chose en moi. C’était ta première fois. Au matin, dans tes bras tu m’as serrée. Tu étais nu. Tu as fumé. Tu ne voulais pas me quitter. Tu m’as raccompagnée. C’était sortir d’un rêve. Lentement. Au rythme des stations du métro parisien. Au coin de la rue, dans le huitième, tu m’as embrassée. Tu es aller bosser. Je ne vous ai jamais revu mon flirt parisien. 
Bien à vous, 
Tendrement, 

E.

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