mardi 22 novembre 2016

Nostalgie et vin rouge

Me voici. Il fallait que je l’écrive aujourd’hui. Aujourd’hui, pas demain, pas hier, pas dans une seconde, maintenant. 
Il y a un an, jour pour jour, je m’envolais. Une tragédie avait ébranlé mon peuple, mon pays, mes amis, mon coeur, ma nation, ma patrie, ma France qui m’a vue grandir et que j’ai tant aimée, que je chéris dans chaque fibre de mon être. 
Je me suis envolée seule vers toi, vers vous, vers eux, ceux sans visage, aux multiples visages, à ceux qui étaient moi. 
Il y a un an jour pour jour, je me suis envolée. Je me suis assise dans un café, entourée de cet accent qui chante pour moi, de ces grains noirs pressés qui sentent le cuir, le vieux bois, le passé. Les pavés luisaient par la vitrine embuée d’une fin d’après-midi. 
Je t’avais rencontré mon amour, mais il y a un an, je ne savais pas. Il y a un an, je vivais l’instant présent, je renaissais par le choc de ma propre culture. Je déambulais sur le boulevard Montparnasse et je ne songeais pas à toi. Je ne pensais qu’à mon pays que je redécouvrais, qui m’avait tant manqué. Aujourd’hui, je suis à un croisement de ma vie. Je suis là, au bar d’un autre café, à six mille kilomètres de là, et je me meurs de n’y être plus qu’en pensée avec moi-même. Avec cette nostalgie déchirante d’un passé révolu. J’ai eu vingt-cinq ans. J’ai eu vingt-cinq et il me semble que déjà je ne vis plus. Je survis. Je dors à peine, je ne mange plus, je bois trop, sans plaisir, je lis des mots, des phrases qui n’ont aucun sens. Je pleure. Je pleure beaucoup. Et je songe à ce voyage qui n’aurait jamais dû s’achever. Et maintenant quoi? 
La neige s’est couchée sur les trottoirs. L’automne fait place à l’hiver et je crains qu’il ne me glace aussi, m’emprisonne avec lui, ne dévore le peu de coeur qu’il me reste. 
Je veux revenir. J’ai peur de revenir. J’ai peur de rester. Où est l’issue? En moi-même. Pourtant, je ne vois que désolation, regret, poussière amassée des joies vieilles d’un an. Oui mon amour, tu m’en donnes des joies nouvelles. Elles s’avèrent amères, éphémères. Trop vite estompées. Je revois le temps, le soleil gris, les bâtiments grandioses qui s’élevaient comme autant de tours de Babel, la Seine aux milles reflets, Orsay grandiose qui m’accueillait du sourire de ses balustrades. Et la Sorbonne… et toujours, je reviens à ce petit café où je t’ai écrit. 8e arrondissement. 

Comme je t’ai rêvé dans ce café mon amour. Tu n’existais pas, et pourtant je te devinais déjà sous les traits d’un autre, de ces dizaines d’autres qui ont dû naviguer sur mon corps pour te céder la place. Cela n’a plus vraiment d’importance. C’est ta conquête qui m’a gardée en vie. Je me trouve au fait accompli. La conquête est achevée, je repense qu’il y a un an j’étais heureuse. Il y a un an, j’ai risqué, j’ai osé, il y a un an, je me suis jetée. Où est mon tremplin? Donnez-moi un tremplin que je me jette corps et âme dans les bras de ce pays que l’on m’arrache, dans les griffes de ces milliers de mots, de récits et des pages qui m’obsèdent. Ramenez-moi mon instinct. Ramenez-moi le désir de sauver ma peau, de l’amener dans des lieux où l’horizon se déchire, se réinvente à chaque brise. 
Rendez-moi l’envie de vivre. Rendez-moi l’envie de vivre. 


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