C’est ici, au beau milieu d’un petit parc du bord de l’eau dans Ahuntsic,
assise au soleil au pied d’un arbre, mon chien sagement couché à mes pieds dans
les feuilles mortes, que je me mets à réfléchir sur ma vie. Cette phrase peut
sonner creux et faussement philosophique, mais elle n’en est pas moins vraie.
Ma vie. Cette notion informe qui semble me glisser entres les doigts dès
que je tente de la saisir. La vie, qu’est-ce? Aujourd’hui, c’était écrire sur
mon second manuscrit après avoir déposé le premier à une cinquième maison
d’édition dans la matinée. Et après? Qu’est ce que cela apporte? Où cela
va-t-il me mener? Dans les scénarios les plus fous, à une carrière de jeune
écrivain qui fut jadis une comédienne ratée? Soyons sérieux. Le titre est
accrocheur, mais je ne suis pas Woody Allen, Colette ou même Stephen King. Oui,
peut-être…
Mais je suis moi. Et moi aussi je vis ma vie. Égoïstement mienne. Le hic
est là. Ma vie. Mes décisions. Mes choix. Mais que veux-je en faire? Et
pourquoi? Dans quel but? Faut-il qu’il y ait un but? Je m’étourdis par ces
farandoles de questions et te ferai grâce de mes états d’âme à toi cher
lecteur. Qui que tu sois. Un temps soit peu que tu existes…
N’empêche. Le point soulevé est symbolique et crucial. Suis-je la seule à
me sentir aux prises avec une époque qui ne me convient pas? Plus. Toujours
plus. Depuis que je vis dans la métropole, je n’ai cesse de vouloir en sortir.
Avis aux citadins invétérés, aucune attaque n’est ici dirigée contre vous. Je
soulève le point. Ce mode de vie ne me convient pas. Il m’a fallu attendre une
suite d’événements plus ou moins tragiques pour m’en rendre compte; et encore
plus difficile : l’accepter. Je répète : cette quête effrénée ne me
convient pas.
Non.
Je ne partirai pas en croisade. Vers quelle terre sainte? Le savez-vous vous-même?
Cette course contre la montre pour aller où? La prochaine fois, il me faudra
avoir le cran de questionner un de ces marathoniens, probablement en train de
klaxonner un pauvre piéton aux réflexes douteux… Enfin.
Tout ça pour dire que depuis ma sortie d’école, je me suis retrouvée
projetée dans un étau. Littéralement écrabouillée de pression sociale.
« Il faut faire. » Faire. Faire. Faire. Accomplir. Diront les plus
philanthropes. Je leur répondrai : « Mes chers, je débarque dans
votre monde parce qu’il s’impose à moi. Je ne l’ai pas choisi. Pas plus que je
ne le combat. J’accepte tant bien que mal certaines de ses règles dont je ne
vois pas la raison d’être des trois-quarts… »
Mais, quand on me casse les pieds à me demander : « Que fais-tu
maintenant dans la vie? » J’ai tout bonnement envie de rétorquer d’un
grand sourire : « Dans la vie? Je veux être. »
Mais est-ce seulement encore permis?
Je serai hors-la-loi.
Eve Mangin.
Montréal, le 25
septembre 2013.