vendredi 28 octobre 2016

Sujet de composition: un boulevard parisien vers 16 heures de l’après-midi.

Je marche seule sur le boulevard. Octobre. Les feuilles mortes jonchent les pavés, étouffent le claquement régulier de mes bottines. Il a plu ce matin. Des trombes. Les pavés qui ne sont pas enfouis de rousseur reluisent d’un nouvel éclat. La rue est déserte. Boulevard Haussmann est muet. Je suis la première dehors. Dans quelques heures à peine, les lampadaires s’illumineront, la nuit sera décorée de mille éclats chatoyants. La rousseur ternie de cet instant sera chatoyante. Quelques badauds égarés viendront peut-être rappeler au boulevard que se sont des hommes qui l’ont bâti. Il est né des hommes et à 16 heures aujourd’hui, il s’en moque bien. Boulevard Haussmann tapissé de roux, sentant la pluie, l’herbe grasse, la terre riche, la poêlée de champignons que l’on dégustera ce soir, tous les deux. 

En cet instant, je suis seule. Je tiens à le rester. À vivre en esprit, tout en sensations si vives qu’elles me transpercent, vivre, revivre ce boulevard Haussmann désert que nous arpentions jadis main dans la main. T’en souvient-il? En ce temps-là, étions-nous amis? Étions-nous amants? Ou mieux encore, cet entre-deux adorable où les mots sont dérisoires. Nous étions. Quel souvenir! Si vif qu’il me hante encore. Ce boulevard que je revisite à chaque fois qu’il pleut et que ferme les yeux. Car, je me souviens que la pluie cessera, que je sortirai, que Haussmann embaumera la rousseur, l’herbe grasse et la terre riche, que tu viendras prendre ma main, que Haussmann s’illuminera pour nous. En cet instant, je suis seule et je vis en esprit ce boulevard Haussmann que je chéris, ce boulevard Haussmann que j’ai vu il y a un an, que j’ai revécu, qui m’a brisé le coeur. Haussmann désert en octobre, encore plus cruel aujourd’hui, puisque c’est de nouveau octobre et que tu n’es pas là.

J’ai regardé la pluie tomber hier, j’ai regardé la pluie tomber, je me suis souvenu. Je me suis souvenu qu’il y a un an, j’ai aimé. Boulevard Haussmann. J’ai marché. Après la pluie. J’ai toujours aimé la rousseur. C’est ta chevelure que je retrouve jonchée au sol, éparpillée comme sur autant de coussins. 

Octobre.