lundi 18 avril 2016

Oisiveté

Soleil. Un peu de baume au coeur, J’ai envie de prendre toutes les heures qui restent, me les approprier. Faire quelque chose mien. Résister à ma façon. Oublier tout ce qui n’est pas moi pour quelques heures, quelques si petites heures. J’y voyagerai dans mes yeux où la lumière pénètre doucement y faisant des soleils d’ambre. Oublier pour mieux me souvenir. Oublier même que je t’aime…peut-être. Oublier les mots fragiles, me fracasser contre la réalité du moi que j’ai trop reléguée derrière de vaines paroles. 
Repenser à tous ceux que j’ai serrés contre mon coeur, qui sont si loin déjà…le tragique est si loin. Il me manque un peu. Je m’ennuie sans lui, ou suis-je simplement aux confins trop confortable du bonheur? 
Heureuse? Je ne sais. Je ne veux plus savoir. Assez. Je ne veux que le soleil qui tanne ma peau, la mer au loin qui danse, quelques oiseaux aussi pour les couleurs et les chansons. Assez les bras plus puissants que les miens. Assez les pleurs amers. Assez la nostalgie de mes amours mortes. Je veux être seule. Je veux être seule. Je veux être seule. Encore des mots. Je pense bien ne jamais les avoir pensés. Pas vraiment. 
Je veux être seule. 
Pas longtemps. Mais juste un petit peu, comme ça, pour essayer. 
J’oserai dire être seule pour le plaisir. 
Pour le plaisir.
Qu’ai-je fait dans ma vie pour le plaisir? Rien que pour le plaisir? Ai-je fait l’amour rien que pour le plaisir? Sans arrière pensée de domination, de manipulation, de tentative désespérée de le retenir encore un peu? Ai-je bu pour le plaisir? Sans me griser, seulement pour la beauté du corps pourpre? 

Pour le plaisir, j’ai joué, j’ai lu, j’ai été transportée. Par des écrits toujours. Par des hommes. Non. Par les écrits des hommes. Les mots écrits me bouleversent bien plus que les paroles. Alors…pourquoi quand tu as murmuré « je t’aime » mon souffle s’est-il arrêté? Ah mais oui, c’est vrai, je ne dois plus penser. Laissons cela aux heures de demain. Les heures d’aujourd’hui sont celles qui me restent. À mon corps et son oisiveté. 


vendredi 15 avril 2016

Il y a dix ans.

Je regarde en face, de l’autre côté de la rue se dresse l’église, froide, illuminée, sa flèche bien droite hérissée vers le ciel, repère. La porte s’est entrebâillée. Un badaud retardataire s’est glissé. Puis, plus rien. Que le vent, le soleil tranchant le bleu d’un toit immaculé. Il paraît que c’est le printemps. 
Je ne le sens ni dans mon coeur, ni sur ma peau. Le printemps aujourd’hui survit dans mes souvenirs. Leurs images, spectres mirifiques, se bousculent devant mes yeux, y font poindre des larmes et se nouent dans ma gorge. Je suis désolée, mais il ne me permettent pas de te voir. Mes yeux sont noyés de mimosas. Ceux que tu n’as jamais vus, toi qui est resté bien à l’Ouest, trop à l’Ouest. 
Les mimosas m’obsèdent, leur jaune, leur parfum qui se rehaussait du murmure de la mer, la scintillante, toute argentée, là, en-bas. En bas du village fourmillant de rumeurs, au pied des falaises escarpées peuplées d’arbres tortueux, recouverts de poussière d’or. Et cette langue, cette chanson, comme elle est lointaine, noyée de pastis et de saucissons, sur la petite place là-bas, au bout, au fond, sous les parasols Ricard délavés qui ont connu bien plus d’étés que nous. 
Ce qui me saute à la gorge, c’est ma jeunesse. Mais il me semble que je suis jeune…ne le suis déjà plus? Mes vingt-cinq ans approchent…et je suis nostalgique déjà. 

Aujourd’hui, plus particulièrement…10 avril, encore encabanés, ou frissonnants de l’air gelé sur nos joues, en ce 10 avril où, il y a une décennie déjà, les mimosas dansaient dans le vent chaud du Sud tandis que les voix chantantes me berçaient, là-bas, en haut des falaises, par-dessus la mer d’argent parcourue de voiles blanches, à l’Est, sur la petite place, en Provence, à Bormes. Il y a dix ans.