Scones. Cyrano. Montréal.
Décembre 2010 [extrait]
James lui fait découvrir son petit coin de pays, ses repaires, ses
beautés dissimulées. Au cours d’une longue promenade dominicale, emmitouflés
dans la laine épaisse de leurs écharpes, l’œil vif et le visage clair, James la
conduit à travers plusieurs villages voisins, disséminés à travers champs,
pâturages et rivières gelées. Ils progressent jusqu’à une ancienne station
ferroviaire, à l’entrée du bourg de Rothley. Tous deux sur le pont de pierre
qui surplombe les rails, ils observent. Rien à l’horizon. La station semble
désaffectée. Emma s’impatiente. La brise glacée s’infiltre entre ses vêtements.
L’air froid mord sa peau. Chilly.
- Come on. Let’s carry on Jay. I’m freezing!
- I thought you were used to it in Quebec . Wait sweetie.
You have to see this.
- Chéri, there’s nothing here. It’s
beautiful but I’d like to walk. Warm up a bit.
- Wait.
Emma doit encore
apprendre la patience. Mais le ton de James, malgré sa douceur, reste ferme. Elle
plie à sa demande. Il doit savoir ce
qu’il fait. Soudain, un bruit sourd
se fait entendre au loin. Un ronron mécanique qui se rapproche de plus en plus.
Un nuage de fumée se profile au dessus des rails. Bientôt, une locomotive rouge
incendiaire débouche vers la gare. Radieuse dans l’après-midi gris. Un train à
vapeur! Et Emma qui croyait qu’ils étaient tous hors service! Le train s’arrête
en gare, en-dessous d’eux. Son jet de vapeur les chatouillant presque.
- Come on! Let’s
get down and see it closer!
James entraîne Emma dans la volée de marches glacées qui descend à pic
vers le quai. Retour dans le passé. La station a été conservée intacte depuis
des décennies. Les affiches jaunies des salons de thé, des offres du service
restaurant à bord des wagons luxueux, les prospectus des troupes de cirque
itinérantes en visite au village, les calligraphies peintes en noir sur les
panneaux de bois vert, la loge du contrôleur, tout est intact, précieusement
entretenu en fier emblème du patrimoine local. Des voyageurs descendent et
montent des wagons étincelants aux banquettes de bois rembourrées. Tout
simplement stupéfiant! Le train à vapeur est encore sur la ligne de service
régulière. Incroyable! James lui sourit à travers son épais foulard de tricot,
ses cheveux roux ébouriffés par la brise sur son front.
- So, not disappointed I hope.
- It’s just as I imagined it would
be. Perfect.
Ils poursuivent
leur route. Direction le pub du coin, l’âtre flambant, les poutres de bois
massif, les fauteuils moelleux, les veilles gens absorbés par leurs journaux,
les plus jeunes riant, échangeant les derniers ragots devant des pintes tièdes.
Remède absolu contre le froid de l’hiver. Le réconfort des Fêtes passe toujours
par le pub. À l’année longue, on y est toujours en bonne compagnie, des chiens
sagement couchés sous les tables. Bouillottes vivantes.
© Eve Mangin, 2011
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